Avion à l'échelle 64 pouces en fibre de verre. Jouets trouvés et peints en blanc. Le mur du son évoque le drame de la guerre et des enfants.
Dossier photographique
© Norton Maza
À travers leurs jouets, les enfants inventent des milliers d'histoires. Et chaque jouet, à son tour, raconte l'histoire de son enfant. Le jouet prend vie, l'objet donne un sens aux premiers mois et aux premières années de l'enfant. C'est la justification du besoin de jouer.
Un jouet retrouvé est le témoignage d'illusions brisées. L'abandon de la poupée, du camion miniature ou du pistolet à eau peut être dû à un accident, à son remplacement, au dépassement de l'enfance, ou dans certains cas à l'intrusion brutale de l'adulte. Norton Maza, comme dans d'autres de ses créations, recourt au sauvetage de jouets abandonnés pour susciter une réflexion sur cette dernière vicissitude. Jeu interrompu à cause des problèmes générés par les adultes.
Dans le cas du Mur du son, les jouets que l'artiste rachète dans les foires, ou qu'il sauve de la poubelle, nous invitent à réfléchir au drame de la guerre et à son impact sur le développement de l'enfance. Le mur du son, cette frontière franchie par un avion à grande vitesse, cette explosion presque inaudible qui implique une monstrueuse libération d'énergie. Le son transformé dans cette œuvre en sculpture flottante est une allégorie de l'enfance elle-même, transpercée par une machine de guerre. Son crash dans l'atmosphère est à peine audible, mais ses conséquences sont dévastatrices.
Le F-16 que Maza recrée traîne derrière lui un demi-cône de petits jouets éparpillés dans les airs, simulant le phénomène réel que produit l'avion lorsqu'il franchit le mur du son. Chaque jouet, peint en blanc, raconte une vie brisée, une enfance brisée par l'action tragique d'une machine de guerre. C'est un millième de seconde arrêté, figé dans l'espace, mais exprimant la tristesse d'une perte irréparable.
En ce qui concerne le travail de Norton Maza sur les jouets, on peut relire Walter Benjamin : « Lorsque la pulsion de jeu envahit soudain un adulte, cela ne signifie pas une rechute dans l'enfance. Le jeu, bien sûr, est toujours une libération. En jouant, l'enfant, entouré d'un monde de géants, en crée un petit qui lui convient ; l'adulte, en revanche, entouré de la menace du réel, retire l'horreur du monde en en faisant une copie réduite ». (Œuvres. Livre IV/vol. 1, Abada, 2010, 470). L'artiste comme générateur de minuscules simulacres pour lutter contre l'entreprise suicidaire de l'humanité.
Texte : Juan José Santos